Dans l’œuvre d’Antoine Wauters, l’enfance s’avance comme un pays que l’on retrouve par l’écriture. Terreau magique, univers qu’on porte en soi, entre l’écho de sa perte et la musique de sa persistance, l’enfance en vient à se confondre avec la fiction. L’une et l’autre construisent un monde imaginaire, peuplé de doubles, de prolongements, d’avatars de soi. L’une et l’autre se tiennent à l’écart de la société, de ses lois, de sa logique, de ses contraintes. Éblouissant caillou textuel forgé par un frère du Petit Poucet, L’enfant des ravines (deuxième bookleg d’Antoine Wauters, après Debout sur la langue) déplie une jeunesse dans un village des Ardennes, un monde de jeux, d’odeurs, de sensations qui constitue le lieu mental, organique à partir…
Non, Antoine Wauters n’est pas un auteur ordinaire. D’abord, il ne se contente pas de sortir un roman à la fois mais deux, paraissant chez le même éditeur. Ensuite, il ne se contente pas de d’insérer ses fictions dans des genres bien précis – polar, s.f., etc. – mais il taille sur mesure des costards ultra classe à ses récits « d’anticipation ». Parce que, oui mon cher, le Wauters qu’on connaît et qu’on aime, celui des récits familiaux sensibles, celui à la petite musique perso envoûtante, celui qui écrit en douceur à fleur de peau, s’est mis, à sa façon, à la s.f. !
Pas celle des vaisseaux spatiaux et des pan-pans laser, bien sûr ! Mais celle qui se projette un tout petit peu dans le temps, qui tire des conséquences et des récits de faits…
Certaines personnes éprouvent parfois le sentiment qu’il leur est impossible de pouvoir échapper au passé, à l’histoire familiale, à la condition sociale et culturelle qui a contribué à les construire. Comme si ce passé empêchait de vivre le présent, ou, pire, d’envisager l’avenir, tout modeste qu’il soit. Ce n’est pas que ce passé soit mieux, ou moins bien, ou franchement destructeur, c’est qu’il est là, un parasite qui s’incruste en permanence dans l’aujourd’hui. Le nouveau livre d’Antoine Wauters qui paraît en cette rentrée littéraire s’inscrit à rebours de cette constatation, sans pour autant lui dénier tout crédit. Le plus court chemin, s’il est bien sous-titré « roman », aurait pu être un « récit » autobiographique, mais l’auteur…
À l’occasion de la double publication en septembre dernier de Pense aux pierres sous tes pas et de Moi, Marthe et les autres (Verdier), Karoo vous propose une interview en deux temps avec l’écrivain belge Antoine Wauters ! Le lauréat du prix Première pour son précédent roman Nos mères s’est tout d’abord prêté au jeu de nos dix questions irrévérencieuses.
Le principe est simple : toutes les questions commencent par « Si je te dis... » et se terminent par « ça te vexe ? » Le but ? Pousser notre auteur dans ses retranchements, non sans humour !
Tu es prêt ?
Allons-y !
Si je te dis que je n’ai pas lu Nos mères, ça te vexe ?
Oh non, pas du tout. Il n’y a aucune obligation. Si tu devais lire tout ce qui sort aujourd’hui, même simplement…