Les rivages poétiques auxquels Pierre-Yves Soucy accoste dans son dernier recueil se singularisent par une géographie de l’attente et de la promesse. L’œuvre poétique qu’il construit et ne cesse d’approfondir l’espace d’un verbe à venir au sens où Blanchot parlait du livre à venir. Le recueil D’un pas déviant. Fragments de l’attente met en abyme le pouvoir des mots, leur impouvoir aussi, dans une langue qui sécrète ses conditions de possibilité. Les territoires qu’il arpente sont ceux du verbe et de son avant (la partie « Ce qu’il y a toujours… avant les mots »), ceux du temps, d’un réel en suspens dont Pierre-Yves Soucy capte le double phénomène d’apparition et de dissipation. La langue est au diapason de cette phénoménologie du surgissement et…
S’ouvrant sur une citation du poète et peintre chinois Mang Ke — « Non nous n’avons rien dit / Rien que le langage de la chair » —, laquelle citation brille comme un portique éclairant la « Stimmung » du recueil, De si près, l’ici du corps déroule une partition poétique en quatre parties. L’expérience poétique que Pierre-Yves Soucy élabore au fil d’une œuvre d’une haute tenue s’enracine dans le trouble d’un sensible qui éveille la chair à ses possibles, à sa rencontre avec l’autre comme avec ses propres vertiges. L’horizon sous lequel se tient la pensée poétique de Pierre-Yves Soucy a pour dessein l’exploration d’une sensation originaire, du chiasme merleau-pontyen du senti et du sentant que l’auteur prolonge dans le creusement d’une rencontre…