Incidents de parcours

À PROPOS DE L'AUTEUR
Bruno MARÉE

Auteur de Incidents de parcours

Né le 22 avril 1955 à Kinshasa (RDC) Sans ordre d'importance ni de préférence: marcheur au long cours, apiculteur passionné, enseignant retraité, naturaliste éclectique, amateur et défenseur du patrimoine naturel, archéologique et historique, fervent gestionnaire de son petit potager, adepte inconditionnel de l'amitié, de la liberté et de la tolérance (sans négliger la pratique assidue de l'esprit critique), membre de la Compagnie d'écriture de Rochefort et de l'association des «Amis de l'Ermite de Resteigne», amoureux de la langue française et des mots qu'il tente d'organiser pour en faire des phrases et des histoires, auteur de quelques romans et recueils de contes et de nouvelles...
NOS EXPERTS EN PARLENT...
Le Carnet et les Instants

Toutes les nouvelles du dernier recueil de Bruno Marée paru aux éditions Quadrature – éditions totalement dédiées à la nouvelle de langue française – semblent respecter (et jouer d’) un même cadre narratif. Elles commencent par poser la singularité, voire l’étrangeté, du quotidien (ou de l’hebdomadaire) d’un ou plusieurs personnages, et ce généralement en une phrase : « Je vois des choses qui n’existent pas » (qui pourrait presque définir le travail de ce nouvelliste, mais il faudrait alors préciser : mais pourraient exister, car nous ne sommes pas dans un univers fantastique ou de science-fiction) ; « Ils s’entendent comme chien et chat, dans le plus grand respect des traditions » ; « Je ne me douche jamais » ;…


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Ultime passion

Paul EMOND (texte) et Léon WUIDAR (ill.), Ultime passion , La Pierre d’Alun, coll. « La petite pierre », 2023, 64 p., 15 € , ISBN : 978-2-87429-135-7 Ultime passion est une nouvelle assez courte, récente vu les références à des techniques d’aujourd’hui. Elle étonne cependant, car Paul Emond condense et résume dans ce bref texte toute une part de sa production romanesque antérieure. Le récit commence par le discours d’un ministre de la Culture se félicitant que l’on puisse dorénavant reproduire et même améliorer les créations artistiques du passé, en l’occurrence des apothéoses du peintre Giambattista Tiepolo. Grâce à l’intelligence artificielle, il est maintenant possible de rendre plus fines les couleurs du tableau, de supprimer les erreurs de l’artiste ou encore d’enlever certains détails devenus inutiles aux yeux des contemporains. Désormais, comme l’affirme le ministre, « le faux a dépassé le vrai » . Si cela est réalisable pour les arts plastiques, ce l’est aussi pour la littérature. L’intelligence artificielle « vient d’établir une nouvelle édition de La recherche du temps perdu nettoyée de ses multiples scories et correctement ponctuée » . Ainsi, oui, les grands chefs-d’œuvre sont enfin rendus lisibles. « La littérature est à présent clôturée » . Et donc plus besoin de distribuer des subsides pour favoriser l’apparition de nouveaux textes qui ne pourront de toute façon pas égaler les textes du passé rendus encore plus parfaits. Mais si le faux a dépassé le vrai, la réalité peut, elle, se venger et elle le fait par le biais du rêve.Comme plusieurs personnages de Paul Emond, le ministre, de pseudo grandiose qu’il est, tombe dans le mesquin. En fait, il veut régler ses comptes avec ces créateurs qui le contestent et avec la ministre du Budget qui lui met des bâtons dans les roues.Cette nuit-là, le ministre, encore sous le coup de l’émotion esthétique éprouvée à la vision de l’apothéose de Tiepolo et agacé par les critiques, rêva. Un rêve qui ne fut pas de tout repos, car analogue à une de ces ascensions peintes par Tiepolo. Les conséquences de ce rêve furent graves et exemplaires. Nous laissons au lecteur le soin de les découvrir. Notons seulement qu’est convoqué et relu l’épisode biblique de la lutte avec l’ange.Paul Emond reprend dans cette Ultime passion l’interrogation sur les rapports de proximité et de différence entre art et littérature. Il a longuement développé cette problématique dans Paysage avec homme nu dans la neige et surtout dans La visite du plénipotentiaire culturel à la basilique des collines . La nouvelle présente de nombreuses analogies avec cet excellent roman ; les deux se terminent par une scène d’apothéose, autant triomphe moral qu’élévation dans les cieux. Mais la conclusion de ces ascensions diffère d’un texte à l’autre et leur comparaison est intéressante.La nouvelle, comme le roman d’ailleurs, joue sur la confusion des niveaux et des oppositions qui constituent le réalisme en littérature : les distinctions s’estompent entre le réel et la fiction, entre le réel et le rêve, entre l’actuel et le virtuel, entre le vrai et le faux. Une perméabilité s’installe également entre la peinture, le rêve et la réalité de ce que vit le ministre cette nuit-là. Par le biais du rêve, la réalité se met à ressembler à l’apothéose picturale. Et ce qui s’imagine et se produit dans le rêve aura une traduction dans la réalité. Tout cela repose sur la polysémie du mot apothéose , car n’oublions pas que l’orgueilleux ministre cherche avant tout sa propre apothéose professionnelle.Si le rêve ressemble à la peinture, c’est cependant à la peinture améliorée selon les critères contemporains. Est-ce cela qui provoque les conséquences dans la réalité pour le ministre ? En ne respectant pas la peinture, a-t-il transgressé un interdit dont il paye les conséquences ?À tout cela s’ajoute une passion amoureuse qui s’imbrique étroitement à cette ascension. (Mais par respect pour le ministre nous n’en dirons rien).La nouvelle pose les questions essentielles de l’art et de la littérature, du rêve et de la réalité, et bien sûr du vrai et du faux. Trop sérieux, tout cela ? Non, car il y a l’humour et l’ironie. L’écrivain donne souvent à ses personnages un aspect ridicule et presque bouffon. Le ministre est un vantard — un fumiste pour rappeler le premier roman —, un grandiloquent qui tombe dans la mesquinerie et la petitesse revancharde.Sous l’apparence détachée de raconter seulement une histoire un peu farfelue, Paul Emond propose une nouvelle d’une belle complexité, qui joue jusqu’au bout sur la confusion des niveaux, reprenant des thèmes qu’il a travaillés tout au long de son œuvre. Le texte pose à nouveau cette interrogation, qui est celle de l’auteur depuis ses premiers écrits, sur les enjeux du fait de raconter, sur la fragilité des catégories dans cet acte de raconter. Pour ce faire, il met en scène un ministre n’ayant d’autre but que de réduire cette capacité de création qui génère, nécessairement, une salutaire confusion.La nouvelle est exemplaire de l’expression littéraire du grotesque que Paul Emond apprécie dans la littérature et le théâtre d’Europe centrale et qu’il pratique dans ses propres textes. Une alliance de gravité et de drôlerie qui provoque de brusques passages du rire aux larmes, par la distanciation ironique, le burlesque des situations, le jeu sur les mots et des reprises parodiques joyeuses, celle de la lutte avec l’ange et celle des ses romans antérieurs, La visite du plénipotentiaire culturel en premier lieu.Un si long article pour une seule nouvelle ? Et un coup de cœur en outre ! Oui, parce que ce texte est très riche et qu’il récapitule de façon exemplaire la trajectoire de l’écrivain.Une nouvelle sur l’art se devait de comporter des illustrations, celles de Léon Wuidar . Abstraites, elles jouent sur le mouvement, par des images d’emboîtements et d’élévations. Joseph Duhamel Plus d’information…