« Comment tenir les promesses des années d’insouciance ? Projections d’une légèreté dans un futur aux portes familières, faciles à ouvrir et à fermer. Serments non formulés, sans causes ni conséquences, juste l’enfance à recopier en grand ».Ces quelques mots épinglés au seuil d’une des 16 nouvelles qui forment ce recueil donnent le ton : c’est essentiellement en terre d’enfance que nous conduit l’auteur, même s’il glisse çà et là des textes d’une autre portée. Et il concentre son propos sur les relations entre les personnes qui constituent le noyau familial : parents bien sûr, oncles et tantes, aïeux. Il étend son observation aux hôtes, attendus et moins désirables. Peu de détails, des impressions, des bribes de conversation qui tissent…
L’on sait Armel Job fin observateur des âmes humaines, tant il a créé de de personnages dont la présence forte imprègne la vie de ses lecteurs. Voici qu’il s’est prêté au jeu de l’extrême brièveté, celui des instantanés de la collection « La petite pierre » des éditions de La Pierre d’Alun, qui associe ses écrits aux illustrations de Benjamin Monti pour ce nouveau petit volume spiralé. L’auteur précise, dans la présentation du livre faite par l’éditeur : Ma tante Esther était le mouton noir de ma famille. Elle n’avait aucune considération pour qui que ce soit, elle-même comprise. Elle faisait fi des convenances, doutait de tout, mais s’émerveillait de ce que personne d’autre ne remarquait. Je l’aimais tendrement et recueillais précieusement ses sentences. Si je le lui avais avoué, elle ne l’aurait pas cru. Dès la première page de ces Souvenirs de ma tante Esther , sa personnalité s’impose, forte et sans concession. Alors que le narrateur est proche de son cousin David, elle ne fait nul secret de son refus initial d’enfanter et elle ne veut rien savoir de la fête des mères, évite les cajoleries, les témoignages d’affection. Et quand ses lèvres pincées s’ouvrent, chaque mot est compté et elle ponctue son propos par une forme de sentence. Florilège : « Le bonheur, c’est quand le bonheur n’est pas encore là. Après … » ; « Il ne perd pas la raison ; il est seulement fatigué de s’en servir » ; « Le fil à linge, c’est le drapeau d’une maison » ; « Très bien, les enfants, de cette façon, vous saurez qu’il y a des injures qui sont des compliments ».Quant aux dessins de Benjamin Monti, leur trame rappelle au premier regard les gravures qui illustraient jadis les dictionnaires. Déclinées en noir et blanc, elles présentent une variation joyeusement décalée des scènes évoquées, comme pour mieux souligner la résonance des propos tenus et l’absurde qui n’est jamais bien loin.Au fil des pages, on se prend à apprécier la compagnie de Ma tante Esther, cette femme revêche qui ne mâche pas ses mots, mais dont la sincérité et le bon sens font mouche, dessinant page à page les contours d’une vision du monde étonnante et d’une grande liberté. Peu à peu, la causticité de ses propos finit par laisser paraître une trame de tendresse tout à la fois ténue et retenue, certes, mais dont on comprend qu’elle ait été conservée comme un bien précieux qui nous…
L'enfant sadique et autres phantasmes
Dix nouvelles sur des sujets qui peuvent parfois faire frissonner. On côtoie l'horreur et on a rarement le sourire (sauf, comme par hasard, dans la nouvelle qui donne…