Auteur de Les couleurs de boucherie
Lutin génial des Lettres belges, auteur de romans, de recueils poétiques qui font souffler un vent neuf sur les territoires du verbe (Mentir, Les morts sentent bon, Marin mon cœur, En vie, Fou trop poli, Fraudeur, Mongolie, plaine sale, Flânant…), Eugène Savitzskaya taille les mots comme un cueilleur, un oiseau afin de les ouvrir à la pâte des sensations. Livre fondateur paru en 1980 chez Christian Bourgois, Les couleurs de boucherie est réédité chez Flammarion (coll. « Poésie » d’Yves di Manno), précédé de l’envoûtant recueil poétique L’empire (L’atelier de l’agneau, 1976). Buissonnant la langue, ces deux textes la tordent vers l’organique, vers les pulsations de l’animal et du végétal. Faisant sauter tant que faire se peut la…
L’aube à peine effacée vite passée comme l’enfance Le temps de goûter aux parfums des jours blancheur de l’aubépine Ce sont tant de haies dressées comme des murs dans le labyrinthe de vivre et déjà le crépuscule s’avance Si la vie « linéaire » est faite de l’alternance du jour et de la nuit, c’est une autre temporalité que révèle le recueil Battements crépusculaires de Philippe Mathy et André Ruelle. Le livre donne en effet à éprouver une dimension temporelle confinant au cycle cardiaque de la systole et de la diastole, comme en accordéon – à l’image du nom de la collection des éditions Tétras Lyre (qui a récemment fêté ses trente ans) dans laquelle s’inscrit ce livre. Cette temporalité est celle des « lézards / [qui] semblent voyager / au hasard », fissurant la trame des jours qui sont et seront vécus, teintés de « temps de pluie » et de moments de « défaillances », mais qui permettent aux rêves et aux projets d’éclore. Scandé par la répétition d’un vers, « et déjà / le crépuscule s’avance » , les poèmes déploient une fantasmagorie qu’illustrent quatre femmes, représentées dans des postures lascives, jouant avec une plume et regardant vers des directions qui semblent ne pas exister, pareilles à « la nuit qui […] tourne », à l’instar d’un « manège sans enfants / où des chevaux de bois / tête basse / demeurent figés / dans leur mouvement ». Les dessins délivrent un ciel minéral et une terre nébuleuse, où les espaces, aux perspectives irréelles, naissent comme de vastes plaines aux couleurs vespérales : ainsi des désirs et des élans qui nous animent, où la vie, se contractant et se distendant, semble suspendue dans l’attente de la nuit. Nous vivons de mourir Toujours pourtant nos yeux sont ravivés par l’espérance d’un printemps Dès l’enfance « vite passée », vivre est un labyrinthe, où l’avancée ne se fait qu’à l’aveugle, en tâtonnant : toujours s’agit-il de « cherche[r] dans le ciel / une trouée de lumière » et de rester en mouvement, au-delà des murs, des pierres et du vide qui sans doute nous figent chaque jour davantage. Les univers de Philippe Mathy et d’André Ruelle semblent familiers de celui du poète Salvatore Quasimodo (Prix Nobel de littérature en 1959), à qui ce livre est dédié. « Chacun se tient seul sur le cœur de la terre / transpercé d’un rayon de soleil / et soudain c’est le soir » : placés sous l’égide de ces vers de Quasimodo, les six textes et dessins composant le recueil tracent, aussi légèrement qu’une caresse d’hirondelle, des mots « dans la nuit d’un chemin […] / où [ils] / n’ont pas encore été…
Comment trouver la juste cadence d’une vie ? William Cliff la cherche dans les alexandrins qu’il…
Dis-moi quelque choseQue je puisse interroger le nuage L’ouvrirLe défaire de fond en combleLe creuser…