Ne penser qu’à ça (1993)

J’écris depuis huit années. Des romans toujours des romans. Hygiène de l’assassin est mon onzième roman. Je l’ai écrit il y a longtemps déjà, il y a un an et demi. Depuis, j’écris le seizième. Ceci pour dire qu’écrire est toute ma vie.
Hygiène de l’assassin est le premier roman que j’aie montré à un éditeur.
Je n’aurais sans doute jamais tenté d’être publiée si je n’avais subi un gros échec professionnel, qui m’avait fait comprendre que je n’étais pas capable de travailler. Écrire, c’est s’approcher dangereusement de la liberté divine : le contraire du travail. Un plaisir qui dépasse tant le plaisir n’a pas besoin d’une médiatisation. Inversement, celle-ci ne peut pas lui nuire. Vu le succès du livre, bien des gens me demandent si mon écriture ne va pas se corrompre, si je ne vais pas perdre cette ivresse qui a cessé d’être secrète. Je n’ai aucune peur à ce sujet. Cette magie est trop forte en moi. Rien ne l’affecte.…

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À PROPOS DE L'AUTEUR
Amélie Nothomb

Auteur de Ne penser qu’à ça (1993)

Comme on dit communément : faut-il encore présenter Amélie Nothomb ? Romancière plébiscitée par un vaste public qui va du plus jeune âge à ces âges dont Hellens estimaient qu’ils n’étaient grands que de réputation, elle est l’une des plumes de langue française les plus traduites dans le monde. Voilà un quart de siècle qu’elle alimente avec une régularité de métronome une oeuvre dont l’originalité autant que la cohérence sont indéniables. Le plus étrange est qu’elle l’édifie imperturbablement, indifférente aux recettes habituelles, en parfaite  symbiose avec une audience dont la fidélité est à toute épreuve. Il y a plusieurs veines dans la « manière Nothomb » : un fil autobiographique où il est difficile de démêler fiction et réalité ; un fil satirique à la férocité subtilement tempérée ; un fil fantasmatique aussi, qui la situe dans le sillage d’un surréalisme « à la belge » dont elle est l’une des représentantes les plus populaires. On pourrait, évidemment, à son propos,  aligner des chiffres, ceux de ses tirages en langue originale et en traductions, qui sont exorbitants, insister sur sa présence intercontinentale (être née à Kobé la prédestinait bien sûr à un rayonnement sans frontière), admettre qu’elle a parfaitement résolu les défis médiatiques d’aujourd’hui en se créant un personnage aussi aisément reconnaissable qu’un schtroumpf ou un marsupilami. Mais ce serait négliger le noyau dur d’un engagement artistique authentique qui la rend digne de celui auquel elle pourrait succéder, qu’elle a au demeurant connu, qu’elle a d’ailleurs situé dans l’un de ses livres, et avec qui elle partage, sans son expertise bien sûr, une réelle familiarité avec la Chine.


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6 novembre 1928, 17 h 00, La Coupole. Une romance qui sculpte la poésie française

Le mercredi 7 novembre 1928, Louis Aragon et Elsa Triolet se réveillent pour la première fois dans les bras l’un de l’autre. Elle se pelotonne amoureusement contre lui. Les deux amants se regardent, encore étonnés de la passion de la nuit. Il y a douze heures à peine, ils ne se connaissaient pas. La chambre est minuscule, hideusement rayée de violet et de jaune. C’est celle occupée depuis quatre ans par Elsa Triolet à l’hôtel d’Istria, en plein Montparnasse. Il est près de midi. Les deux amants ont faim. Après une toilette élémentaire, les voilà prêts à dégringoler les marches pour sortir et se restaurer dans le quartier. C’est alors qu’ils tombent nez à nez avec le grand poète russe Vladimir Maïakovski de passage à Paris. Cette rencontre est si soudaine, si inattendue que tous trois éclatent de rire. Il faut dire qu’Elsa avait perdu sa virginité avec Vladimir quinze ans plus tôt, avant qu’il ne lui préfère sa soeur, Lili Brik. Pourtant, ils sont restés amis, elle lui sert d’interprète à chaque fois qu’il vient à Paris. Quant à Aragon, il avait fait la connaissance du poète russe l’avant-veille, à la Coupole. Par une autre et étrange coïncidence, c’est également dans cette célèbre brasserie de Montparnasse que Louis et Elsa se sont rencontrés. Plusieurs jours auparavant, la jeune Russe avait demandé au surréaliste Roland Tual de lui arranger un rendez-vous avec Aragon qu’elle admire depuis plusieurs années, sans jamais oser l’approcher. Depuis son installation à Paris en 1924, elle a croisé à plusieurs reprises l’écrivain surréaliste dans le Montparno de l’entre-deux-guerres, colonisé par des peintres, des écrivains et des poètes accourus du monde entier. Finaude et fidèle à ses pulsions, elle le remarque la première fois en 1925 lors du fameux banquet agité de La Closerie des Lilas où les surréalistes dénoncent le nationalisme et la guerre du Rif au Maroc. L’observant depuis le trottoir, elle est fascinée par l’exaltation de cet homme d’une trentaine d’années habillé comme un dandy. ("Très beau. Trop beau. Un danseur d’établissement", écrit-elle) Elle le détaille avec les yeux de Chimène… Par la suite, elle continue à s’intéresser à la carrière de Louis et à son indomptable énergie. Ce n’est qu’à l’automne de 1928 qu’elle trouve enfin le courage de le rencontrer. Quand elle arrive à la Coupole, Aragon s’attarde au bar, plongé dans une conversation animée avec des amis. Elle s’approche timidement de lui. Quarante ans plus tard, Louis se rappelle cette jeune femme gracile, portant une fourrure "brune et blonde, comme rayée », s’ouvrant sur une robe-chemisier noire. L’auteur du Con d’Irène se dit que le corps d’Elsa mérite largement d’être honoré. Alors il sort le grand jeu pour la séduire. Mais il n’a pas trop à se fatiguer, car elle ne demande que ça ! Ils se dévorent des yeux, oublient leurs voisins, parlent, n’arrêtent pas de parler. Et dire qu’une heure plus tôt ces deux-là se perdaient dans le dédale d’une vie chaotique. Aragon se remet d’une tentative de suicide à Venise après avoir été trompé par la richissime poétesse anglaise Nancy Cunard avec un pianiste noir, un comte italien et un serveur anonyme. Quant à Elsa qui souffre cruellement du mal du pays, elle enchaîne machinalement les amants. La veille de sa rencontre avec Aragon, elle note dans son journal intime : « Je pense que je dois acheter du Véronal... Vivre est trop douloureux. C’est comme de marcher sur du verre pilé. » Une nuit d’amour à l’hôtel Istria suffit à les guérir de leur mal de vivre. "Du jour au lendemain nous nous sommes retrouvés heureux comme deux chiens dans le même panier", écrit-elle. Mais cet état de grâce ne dure pas. Après quelques semaines d’amour fou et de plaisirs débridés, Aragon commence à se lasser de la jeune femme. Il confie à des amis qu’il adore faire l’amour à Elsa, mais qu’il se lasse de sa conversation. 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