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Le Carnet et les Instants

Au recto de la couverture, un ciel de crépuscule jaune lumineux, une nature qui s’apprête à se reposer, et des gens de tous âges descendant le chemin d’une colline, en route joyeuse vers la proche ville où se devine un manège de chevaux. Au verso, l’image se prolonge : un ciel de nuit tombée, une pleine lune légèrement dissimulée par de mystérieux sapins, une demeure isolée déjà éclairée au rez-de-chaussée. Une illustration dont se dégage un calme inexplicable, que l’on ressentira page après page dans des paysages délavés, des fenêtres reflétant la pluie ou éclairant des natures mortes en pommes et cafetière, une salle-à-manger chaleureuse où la table déjà dressée attendant un gâteau toujours au four, un carrousel faisant naître les sourires d’enfants,…


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FIRST:terre enfants - "Ronde autour de la terre"
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Passeur de souffle

Au commencement, il y a le Sel. Qui recouvre la terre et la rend inhospitalière. Puis…

Bastien, ours de la nuit

Selon certaines croyances et traditions, tout humain est lié à un animal-totem (parfois même à plusieurs) dont il peut percevoir des signes dans la réalité visible, mais qu’il ne peut rencontrer que dans le monde invisible, celui des rêves, des voyages chamaniques et autres méditations de l’inconscient. L’artiste Sara Gréselle a peut-être trouvé le sien au détour d’un songe prémonitoire, flottant autour d’elle après son réveil et évoqué à son comparse Ludovic Flamant  : elle illustrait un album intitulé Bastien, ours de la nuit . Ce titre, oniriquement puissant, n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd et son écho persistant a mené à une merveilleuse réalisation graphico-textuelle éponyme. L’ursidé, s’il n’est pas celui de l’illustratrice, est sans aucun doute l’allié protecteur de Sébastien, un sans-abri sans âge errant dans les rues désertes d’une nuit glaciale. L’homme a le visage émacié, les joues creuses, les traits tirés. Il a surtout l’extrémité des doigts non couvertes par ses mitaines et, malgré l’inconfort du geste (causé notamment par deux grands sacs – maigres possessions si encombrantes – calés sur ses épaules), il tente de les réchauffer en «  [faisant] de petits nuages chauds avec sa bouche  ». Il arrête vite cette vaine opération dès qu’il aperçoit, à côté de poubelles, ce qui rendra sa nuit plus confortable : des cartons… Contrairement à la comptine-pirouette-cacahuète, il n’en fait pas une maison, mais les utilise comme dérisoire isolant, une couche entre lui et le sol gelé. Recroquevillé sous sa couverture, il parvient à sombrer dans le sommeil, moment où Bastien s’éveille : «  Bastien, c’est un peu le rêve de Sébastien, la chaleur de son corps qui s’en va faire un tour…  ».Bastien se détache donc du vulnérable assoupi et entame une déambulation nocturne à la recherche de nourriture. Son butin se révèlera frugal (à peine quelques miettes d’une galette des Rois bennée et un reste de hamburger jeté par terre) mais il croisera avec intérêt des spécimens d’une autre faune peuplée de déclassés dont les yeux se détournent si facilement, de marginaux qui évoluent dans un parallèle indifférent. Heureusement, l’âme de Bastien est celle des enfants, tout empreinte de naïveté et de curiosité. Alors, il avance et, par son regard, transforme les réalités les plus âpres en moments incongrus. Finalement, pris par la fatigue et la nostalgie, il retournera se blottir contre Sébastien ; cet ours-totem n’est-il pas l’emblème de la guérison et du courage devant l’adversité ?Plus on relit cet album de chez Versant Sud Jeunesse, plus sa poésie nous pénètre, sa profondeur nous remue. Les mots de Flamant, justes et pesés, servent en quelque sorte de légendes aux incroyables dessins de Gréselle souvent présentés en médaillon. Chaque illustration crayonnée, d’un réalisme minutieux, d’une expressivité frappante, recèle une étrange magie triste. Peut-être procède-t-elle du gris dominant de la ville (lieu de « l’ultramoderne solitude ») traversé par des éléments de verts ou de bruns (couleurs indéniablement végétales). Quoi…