Traduction de la poésie wallonne

En avril 2023, la Société organisait une journée de mise à l’honneur de nos membres correspondants.
À cette occasion, quatre d’entre eux ont eu l’occasion de prendre la parole sur des sujets de leurs choix, soit en lien avec les langues régionales de Belgique romane, soit à propos de sujets d’études proches de nos considérations.
Les intervenants ont accepté de faire part de leurs présentations par écrit et nous nous proposons de les publier dans Wallonnes, au fil des numéros.

Voici la présentation de la contribution du membre correspondant Jean Robaey, par Bernard Thiry.   *

Présentation

Le plus heureux des hasards – littéraires, éditoriaux, académiques et de toute autre qualification tutélaire par quoi l’on trouve à célébrer les circonstances de pareille coïncidence – nous a amenés à faire la connaissance de Jean Robaey; ce fut à l’occasion de la découverte d’un article d’abord, d’un livre ensuite, dans…

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Maurice Maeterlinck, un auteur dans le cinéma des années dix et vingt

Christian Janssens étudie de manière fouillée l’adaptation filmique des œuvres de Maeterlinck entre 1910 et 1929. Fortement arc-bouté sur le système conceptuel de Pierre Bourdieu, cet ouvrage savant envisage l’écrivain non comme un « créateur » plus ou moins doué, mais comme un agent de production en relation avec d’autres agents : critiques littéraires, directeurs de théâtre, cinéastes, musiciens, etc. Chacune de ses œuvres, à son tour, entre en relation avec d’autres œuvres, tant de lui-même que d’adaptateurs ou d’écrivains tiers. « Ces rapports sont des rapports de concurrence, de compétition » affirme clairement C. Janssens, pour qui la position objective de l’écrivain dans le champ culturel s’explique non par l’influence du milieu ou le génie créateur, mais par les rapports de force entre les différents agents concernés. Ainsi conçue, l’approche sociologique ne pouvait que comporter une dimension historienne, car les rapports de force précités évoluent constamment, mais aussi une forte composante économique : diffusion primaire des textes, rôle de la presse et de la notoriété, apparition de produits dérivés (mises en scène, traductions, partitions musicales, adaptations filmiques), puissance des « centres » internationaux (maisons d’édition, compagnies cinématographiques), phénomènes de mode, etc. Plutôt que de dresser un tableau général de ce système, même circonscrit à une littérature et à une période précises, C. Janssens a choisi d’étudier un cas particulier, celui de Maurice Maeterlinck et du réseau relationnel qui s’est constitué autour de lui. En tant qu’écrivain adapté au cinéma, il évolue en effet entre le champ littéraire – où il occupe une position dominante – et le champ cinématographique – où il occupe une position dominée ; cette dissymétrie fait mieux ressortir le fonctionnement respectif des deux champs, leurs similitudes et leurs divergences. En tant que dramaturge, Maeterlinck ressortit, de 1889 ( La Princesse Maleine ) à 1902 ( Monna Vanna ), à la « sphère de production restreinte », valorisée symboliquement par la reconnaissance des pairs. Fasquelle devenu son éditeur principal, il entre alors dans la « zone de grande production de qualité » caractérisée par une large diffusion, où il s’installe durablement à partir de L’oiseau bleu (1908). Le filmage de pièces ne commence qu’en 1910 : la multiplication des adaptations « est une conséquence et une cause du vieillissement artistique [de Maeterlinck] dans le champ littéraire ». Le passage de la sphère « restreinte » vers la sphère « publique » observé dans le champ littéraire va néanmoins se reproduire dans le champ cinématographique.Le corpus considéré, de 1910 à 1929, comporte vingt-quatre projets de films, dont dix ont été réalisés, mais dont trois seulement sont aujourd’hui conservés. Si les débuts sont timides, les films entrepris de 1914 à 1918 ne manquent pas d’ambition : Monna Vanna , Pelléas et Mélisande , Macbeth , The Blue Bird . À chaque fois, C. Janssens décortique avec minutie les stratégies des différents agents – dont la très active Georgette Leblanc –, éclairant les intérêts souvent hétérogènes des uns et des autres. Après 1918, la notoriété littéraire de Maeterlinck décline, tandis qu’il s’investit de plus en plus dans le cinéma, notamment l’écriture de scénarios ( La Puissance des morts , Le Malheur passe , etc.), tout en s’éloignant des « centres » italien et français au profit des compagnies américaines telles que la Goldwyn Pictures. Mais le succès ne suit pas et, à partir de 1925, Maeterlinck se réoriente vers l’écriture d’essais, tels que La vie de l’espace  : le seul projet de film qu’il agrée est Le Bourgmestre de Stilmonde , qui sortira en 1929. C’est l’année où prend son essor le cinéma parlant, tandis que les adaptations d’œuvres littéraires ne cessent de régresser.Version allégée d’une thèse de doctorat présentée à l’U.L.B. en 2012, le livre de C. Janssens est d’une rigueur incontestable, accordant une place importante aux questions de méthodologie et à la précision documentaire. Loin de toute considération psychologique ou exégétique, il s’appuie exclusivement sur des faits avérés en prenant pour balises des concepts de Bourdieu ou inspirés par lui, dont il démontre par le fait même la pertinence analytique. Malgré ses grandes qualités, une question demeure : quelle est l’utilité exacte de cette publication ?  Le lecteur informé n’apprend pas grand-chose de nouveau sur Maeterlinck, qui n’est ici qu’un cas d’école, et l’examen de sa carrière entre littérature et cinéma n’est guère généralisable. Détail révélateur : les nombreuses citations en anglais ne sont pas traduites (mais celles en italien le sont)…  Bref, il est à craindre que cet ouvrage reste confiné…

L'un à travers l'autre, et inversement (traduire Henry James et Edith Wharton)

Pour être simple, et même simpliste, disons qu'un écrivain est quelqu'un qui bien sûr écrit, mais qui surtout écrit pour être publié, le contrat d'édition pouvant être établi après coup. Internet sans doute a changé la donne, en permettant de se publier, au lieu d'être publié. La posture de l'autofiction dispose désormais des techniques de l'autopublication. Mais enfin un traducteur ne pratique pas l'autofiction, du moins dans un sens direct, et reste un praticien qui a obtenu un contrat de traduction rémunéré d'avance, pour se mettre à traduire ce qui peut être une œuvre qu'il a lui-même proposée. Si, concernant les milliers de pages de James que depuis une trentaine d'années j'ai traduites, organisées, préfacées, commentées, presque toujours de ma propre initiative, après m'être assuré un éditeur prêt à me suivre, on parle d'identification ou d'empathie, ce suffrage pourrait flatter ma vanité avide d'homologation et blesser mon orgueil anxieux de singularité. Car, en réalité, s'il y avait eu pour moi, à travers la traduction, une identification plausible dans la littérature classique américaine, cela aurait été, non pas (faut-il le dire ?) avec Henry James (1843-1916), mais avec par exemple Katharine Prescott Wormeley (1830-1908), dont les traductions des épisodes de La Comédie Humaine ont, en 1895, abouti à une publication intégrale en quarante volumes. James adolescent avait fait dans le texte original la découverte passionnée et décisive de Balzac, et il en avait conclu que la façon d'en suivre les leçons françaises était, non pas de le traduire, mais de sonder librement son propre génie de romancier américain. A contrario, c'est afin de cesser de sonder ma propre individualité d'écrivain que j'ai navigué à la surface, ou plongé dans les profondeurs, des océans jamesiens. En 1978, Joaquim Vital (1948-2010), directeur-fondateur des alors toutes nouvelles éditions de La Différence, me proposait de publier trois manuscrits que je lui avais soumis (Lazare Définitif, Ruptures d'Innocence, Sauna), avec, pour l'ensemble, un à-valoir qu'il me verserait en un certain nombre de mensualités. Les livres parurent au bout de plusieurs mois, certains de mes lecteurs trop bienveillants avaient pensé déceler dans ma manière novice une influence de Marcel Proust et de Henry James ; Proust, soit, je m'en étais saturé, y ayant eu accès dix ans plus tôt par la fameuse première édition en poche ; mais, James, je n'en connaissais rien d'autre que l'existence. « Comment, vous n'avez jamais rien lu de James ? Vous devriez. Cela vous intéressera sûrement. » D'un autre côté, les mensualités de mon à-valoir s'étaient depuis longtemps terminées ; on m'informe que traduire est pour un écrivain, qui tient à la liberté de ses horaires, une bonne façon d'avoir des revenus maigres mais réguliers ; on me communique une petite liste de nouvelles inédites de Henry James ; je vais à la bibliothèque de Beaubourg pour y jeter un coup d'œil dans l'édition intégrale Edel en 12 volumes ; et, dès les premières phrases de la nouvelle que je choisis comme au hasard, The Diary of a Man of Fifty, je sens que c'est fait pour moi, ou que je suis fait pour cela. Je la traduis aussitôt sous le titre de Retour à Florence, qui est celui de mon premier recueil, paru en 1983, et comprenant deux autres nouvelles italiennes (à l'époque, j'allais en Italie dès que je le pouvais, à Venise, surtout), La Différence n'ayant pas hésité à me suivre, en dépit de ma parfaite inexpérience de traducteur et d'angliciste. J'en fais peu après, et de ma seule initiative, une adaptation théâtrale. Par un subterfuge mondain, je parviens à y intéresser Simone Benmussa (1931—2001). Elle la monte en décembre 1985 dans la petite salle du théâtre du Rond-Point, avec, pour le rôle de la comtesse Salvi-Scarabelli, Arielle Dombasle. Débute, par ailleurs, une période de relative prospérité pour La Différence, qui lance une collection d'œuvres complètes. Joaquim Vital me demande ce que je penserais de m'occuper d'une Intégrale James. Je lui réponds que ce serait écrasant, trois fois Balzac et dix fois Proust en nombre de signes, mais qu'une Intégrale des cent-douze nouvelles serait sans doute concevable : il en existe à peu près le quart en traductions françaises, nous pourrions les reprendre, et je me chargerais des trois-quarts restants. Les reprises se sont vite révélées impraticables, pour des questions de droit, et surtout en raison du disparate des styles de multiples traducteurs en de multiples époques chez de multiples éditeurs. Et donc il a été décidé que je traduirais, organiserais, préfacerais la totalité, en quatre très forts volumes. Joaquim m'a proposé d'établir moi-même mon calendrier, et de me mensualiser pour cela, dans la mesure du possible, pour moi comme pour La Différence. Si l'idée de James venait de moi, la possibilité d'un Intégrale dépendait de nous deux. Il y a eu des péripéties, et une longue éclipse. Les deux premiers volumes ont paru en 1990 et 1992. Les deux derniers en 2008 et 2009. Mais c'est une autre histoire. Car je ne propose ici que quelques lignes d'introduction à Edith et Henry, petit montage des lettres de Henry James et Edith Wharton(1862-1937), qui a été lu le 7 juillet dernier, avec talent et succès, par Marianne Basler et Jean-Philippe Puymartin (à vrai dire, l'initiative venait d'eux, qui avaient bien voulu faire alors appel à mes conseils), au Festival de la Correspondance de Grignan. Si je me suis d'abord intéressé à Edith Wharton, c'est pour l'important chapitre qu'elle consacre à Henry James dans son autobiographie de 1934, A Backward Glance, que j'ai titrée Les Chemins parcourus, pour ma traduction parue en 1995. Bien sûr, traduisant par la suite plusieurs de ses romans, de ses nouvelles, et même deux courts essais, j'ai cessé de considérer Wharton dans le miroir de James, et j'ai progressivement pris la mesure de sa puissante originalité. Cependant, je n'ai pas changé d'avis sur la signification de certaine anecdote rapportée par le grand jamesien Leon Edel (1907—1997). Voici ce dont il s'agit. Le jeune Edel, ayant entrepris ses travaux sur James, dont il devait faire sa carrière, en commençant par une thèse soutenue à La Sorbonne, rencontre au début des années 1930 Edith Wharton dans son château de Saint-Brice-sous-Forêt. Il l'interroge sur Walter Berry, mort en 1927, sur qui il aimerait rédiger une étude. Berry a été l'ami de cœur et d'esprit de Wharton, son premier lecteur et conseiller littéraire. D'abord elle se méfie, craignant que son visiteur ne soit à la recherche d'anecdotes indiscrètes. Mais elle est vite rassurée par l'évidente probité intellectuelle de ce jeune érudit. Toutefois, elle lui déclare : « Walter était un homme remarquable, un brillant juriste et un grand lettré. Mais pourquoi voulez-vous lui consacrer un essai, alors qu'il n'a rien écrit ? » Edel lui répond : « Parce qu'il a très personnellement connu les trois écrivains majeurs de notre temps : Marcel Proust, Henry James, et vous-même. » Wharton alors lui rétorque dans un éclat de rire : « Non, je ne suis pas de ce genre d'écrivain ! » Il y a dans sa réaction à la fois la vérité objective de sa lucidité, et la vérité subjective de sa volonté. Le génie signifie une dissolution des frontières entre la vie quotidienne et la vie imaginaire, une fusion de l'être dans l'œuvre ; c'est un état créatif qui n'est pas celui d'Edith Wharton, et dont d'ailleurs elle aurait refusé pour elle-même le fatal déséquilibre, curieusement issu d'une synthèse, au lieu de l'équilibre paradoxal d'une dissociation. « Mes deux vies, divisées entre ces mondes également réels quoique totalement distincts, ont ainsi marché de concert, pareillement absorbantes, mais entièrement isolées l'une de l'autre, depuis ma petite enfance », note-t-elle dans Les Chemins parcourus. Et, à propos de James, elle écrit avec simplicité : « Je n'ai jamais connu…