Eugène Savitzkaya

PRÉSENTATION
Remarquable destin littéraire que celui d'Eugène Savitzkaya : ils sont rares, en effet, ceux qui peuvent prétendre, dès la fin de l'adolescence, ne plus vivre que de leur plume et qui se maintiennent sans difficulté en une telle activité. Dès son premier recueil, Savitzkaya fut reconnu poète, porteur d'une voix nouvelle, au point de ne plus jamais être ignoré des diverses histoires et anthologies de notre littérature nationale. Et plus tard, lorsqu'il se mit au roman, il fut publié chez ces grands découvreurs de talent que sont les Editions de minuit. Depuis, ses oeuvres nous parviennent au fil des ans; toujours nouvelles, elles nous rappellent ce monde de violence et de pureté, d'angoisse et de sérénité qui fait la marque si particulière de cet auteur.
Eugène Savitzkaya est né en 1955, aux abords de Liège, à Saint-Nicolas, et son adolescence s'est passée à Waremme, en Hesbaye : "Si je pense à ce qu'était mon enfance, j'ai des souvenirs de pourriture, d'immobilité. La plupart des souvenirs qui me restent ne sont pas très agréables, pourtant je sentais que j'avais une grande force, que j'existais très fort. Quand je jouais, c'était toujours seul, je refusais un partenaire. Je n'avais pratiquement besoin d'aucun matériel particulier, je vivais des aventures constamment, des aventures minuscules...".Il apparaît en 1972 en remportant le prix Liège des Jeunes Poètes, ce qui lui vaut la publication de son premier recueil. Rapidement, il entre en contact avec les animateurs de L'Atelier de l'Agneau, Robert Varlez et Jacques Izoard (avec qui il écrira deux recueils). Là, les publications se succèdent, tant en recueils qu'en participation à la revue de la maison, 25, ainsi qu'à d'autres revues de la région liégeoise. Dès cette époque, ces textes parus en revue servent de ferment aux oeuvres publiées par la suite en volume : souvent, un même texte est rappelé, mais les mots différent, certes peu, mais surtout, l'ensemble passe tout autrement, selon le contexte. Un autre travail. Et de fait, coup sur coup sont publiés trois recueils au cours de l'hiver 75-76, qui tous seront primés. Déjà Eugène Savitzkaya participait à la vie culturelle française. A l'époque, il a décidé de ne plus vivre que de sa plume. Il vient d'avoir vingt ans.Arrive le premier roman : Mentir. Deux troupes de théâtre s'en emparent, et le roman, adapté pour la scène, est représenté en Belgique comme dans l'Ouest français. Pour le texte, succès d'emblée. D'autres viennent ensuite, et la renommée de notre auteur se forge. Les textes toutefois se font plus rares. Moins de précipitation dans les publications. Mais plus de qualité.Eugène Savitzkaya vit actuellement à Rome, Villa Médicis, étant un des jeunes écrivains qui annuellement reçoivent une bourse du gouvernement français.
BIBLIOGRAPHIE
NOS EXPERTS EN PARLENT
Le Carnet et les Instants

On peut aborder les textes d’Eugène Savitzkaya qui composent ce petit recueil intitulé Sister, d’au moins deux manières distinctes, tant l’écriture se tient d’elle-même sur une crête : celle qui sépare ordinairement le monde des gens dits « normaux » de celui qu’on peut appeler ici les « esprits fendus ». Les « esprits fendus » sont ceux qui vivent, et le plus souvent jusqu’à leur fin, dans un « espace du dedans » (pour reprendre un titre d’Henri Michaux), et cependant plongés, immergés, noyés parfois, dans le monde des « normaux ». L’espace du dedans schizophrénique est absolument individualisé, radicalement personnalisé, si on le rapporte à la norme du vivre en société, alors que tout « esprit fendu » possède en lui-même, jusqu’aux…


Le Carnet et les Instants

Lutin génial des Lettres belges, auteur de romans, de recueils poétiques qui font souffler un vent neuf sur les territoires du verbe (Mentir, Les morts sentent bon, Marin mon cœur, En vie, Fou trop poli, Fraudeur, Mongolie, plaine sale, Flânant…), Eugène Savitzskaya taille les mots comme un cueilleur, un oiseau afin de les ouvrir à la pâte des sensations. Livre fondateur paru en 1980 chez Christian Bourgois, Les couleurs de boucherie est réédité chez Flammarion (coll. « Poésie » d’Yves di Manno), précédé de l’envoûtant recueil poétique L’empire (L’atelier de l’agneau, 1976). Buissonnant la langue, ces deux textes la tordent vers l’organique, vers les pulsations de l’animal et du végétal. Faisant sauter tant que faire se peut la barrière entre mots et choses,…


Le Carnet et les Instants

Au pays d’Eugène Savitzkaya, les mots rugissent, les phrases sortent de leur lit fluvial, les sensations courent à neuf dans des contes sauvages. Éblouissante fable, entre nouvelle version de la Genèse et légende des despotismes contemporains, Au pays des poules aux œufs d’or nous immerge dans une balade des origines, de la gestation de l’univers à l’avènement des rivières, des forêts, des cerfs, des hommes. Au commencement, les arbres n’étaient pas enracinés, « l’homme n’avait pas de face », un bel enfant fut dévoré par un chien, sa mère devenue folle forma un adolescent avec de l’argile, pétrit un petit Adam comme Savitzkaya pétrit comme personne l’alphabet primordial, les Noms et leurs odeurs, leurs saveurs, leurs folies fangeuses. L’éclosion du…


Le Carnet et les Instants

Eugène SAVITZKAYA, L’amour de loin, dessins de l’auteur et de Muriel Logist, La pierre d’alun, coll. « La petite pierre », 2023, 64 p., 15 €,  ISBN : 978-2-87429-127-2Les années passant, l’enchantement soudain et imprévisible que provoquent les livres singuliers d’Eugène Savitzkaya réside encore et toujours dans le jeu formel de l’écriture, qu’il pratique avec la vivante souplesse de l’acrobate. Évitant de rester engoncé dans la caricature que peut constituer parfois le manteau de poète, plutôt prêt à se mettre en retrait, à l’écart, ce « fraudeur » (pour reprendre le titre d’un de ses romans) du monde littéraire s’avance tantôt délicat et tout en saveur, tantôt lassé des injustices perpétrées au nom des règles et des normes, ce qui peut…


Le Carnet et les Instants

Eugène SAVITZKAYA, Fou de Paris, Minuit, 2023, 145 p., 17 € / ePub : 10,99 €, ISBN : 978-2-7073-4938-5Au milieu de la tectonique des plaques de la littérature francophone, les livres d’Eugène Savitzkaya sont des forêts où vivent des êtres en marge qui tressaillent dans un ballet de phrases remontant le cours du fleuve de l’enfance. Il y avait le Fou de Vincent d’Hervé Guibert. Il y a désormais la féerie sans égale, le livre le plus libre de tous les temps, Fou de Paris, qui, venant après Fou civil (1999), Fou trop poli (2005), brame, feule, tisse sa toile autour d’Hégésippe, celui qui a tout perdu en perdant l’aimée, celui qui endosse la flânerie comme une première peau, promeneur poète qui, comme les bouffons des rois, profère les vérités du temps,…