Spilliaert et le théâtre de Maeterlinck : une exposition aux Musées royaux des Beaux-Arts

Depuis décembre, les Musées royaux des Beaux-Arts à Bruxelles exposent les trois volumes de l’édition Deman du théâtre de Maeterlinck illustrés par Léon Spilliaert. Cette pièce exceptionnelle, exposée au Musée Fin-de-Siècle, bénéficie désormais d’une exposition focus. Celle-ci situe ce travail d’illustration hors du commun dans le parcours de Spilliaert, alors à l’aube de sa carrière de peintre. Une exposition intimisteÀ travers une expo focus intimiste, les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique offrent un éclairage unique sur les oeuvres de jeunesse de Léon Spilliaert. Une belle opportunité d’entrer dans la peau et la tête du symboliste belge tourmenté. Une vingtaine d’oeuvres sur papier soigneusement choisies illustre la crise existentielle vécue par le jeune Léon Spilliaert.Un chef d’oeuvre à contextualiserEn août 2022, la Fondation Roi Baudouin dévoilait un véritable trésor : trois volumes d’une compilation des pièces de théâtre écrites par Maurice Maeterlinck jusqu’en 1901. Récemment acquis par le biais d’un fonds géré par la Fondation Roi Baudouin, les volumes, intitulés sobrement Théâtre, ont été illustrés de la main du tout jeune Léon Spilliaert en 1902 et 1903.Lire aussi : Maeterlinck aux Musées royaux des Beaux-ArtsIl s’agit d’une version unique appartenant à l’éditeur bruxellois Edmond Deman. Ayant conservé le tout dernier des 110 exemplaires, ce dernier avait demandé à Léon Spilliaert, qui travaillait pour lui, de l’illustrer. Alors âgé de 21 ans, Léon Spilliaert réalise plus de 340 illustrations de pages, de titres, de vignettes, de dessins dans les marges et même parfois, d’interprétations graphiques de l’univers de Maeterlinck venant submerger le texte. Les matériaux utilisés, comme l’encre de Chine, le crayon et l’aquarelle se mêlent à merveille à la sensibilité exacerbée de l’univers de Maurice Maeterlinck.Le jeune artiste laisse déjà entrevoir des sujets et dessins qu’il exploitera plus tard, au travers de formats plus grands. Malgré son jeune âge, il fait preuve d’une maturité remarquable. Bien qu’incessamment en proie au doute, il déploie son talent artistique d’une manière tout à fait unique, inspiré par la littérature et la philosophie.En raison de leur importance culturelle, historique et artistique, ces 3 tomes ont acquis le statut de chef-d’oeuvre de la Communauté flamande. La Fondation Roi Baudouin les a confiés aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique (MrBAB), et plus précisément, au Musée Fin-de-Siècle où ils sont exposés en vitrine depuis décembre 2022, chacun ouvert sur une double page illustrée.Cette acquisition est le point de départ de « Léon Spilliaert. Les débuts » qui contextualise les 3 précieux tomes.Une sélection révélatrice du succès à venirLa commissaire Sarah Van Ooteghem, conservatrice en charge de la collection des oeuvres sur papier art moderne (19e-21e siècle) des MrBAB, a sélectionné 20 dessins réalisés entre 1901 et 1910, issus des propres collections des MrBAB ainsi que 3 estampes (dont l’une provient de la KBR). Pendant cette période, le jeune artiste est en quête existentielle.Après de brefs séjours à Bruxelles et à Paris, il retourne à son Ostende natale. L’agitation et les couches symboliques de ses premières oeuvres font alors place à une profonde expérience de l’ici et maintenant, dans des intérieurs et des paysages de bord de mer.En pratiqueLéon Spilliaert. Les débuts Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique – 3, rue de la Régence Jusqu’au 3 septembre 2023 – Fermé le lundi Site internet



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Le fonds Jean Muno ( in La chronique des Archives & musée de la littérature )

Mon héros – le seul que je puisse comprendre de l’intérieur – sera [...] cette part décriée de moi-même et de mon lecteur, le « petit bourgeois » d’aujourd’hui, le petit homme occidental. Mon sujet : son inquiétude, son inadaptation, sa rébellion larvée, sa souffrance. XX Les archives de Jean Muno (1924-1988), léguées aux AML en 2008 par sa veuve, Jacqueline Burniaux, sont à l’image de son auteur : discrètes mais passionnantes. Désormais entièrement dépouillées et encodées sous les cotes ML 11140 à ML 11173, elles proposent au chercheur des manuscrits, des articles, les fragments d’un journal, des correspondances, des photographies,... qui touchent au plus près à l’identité complexe de ce natif de Molenbeek-Saint-Jean (« Ni Flamand ni Wallon ni même Bruxellois. Un mélange des trois, oui, une addition bizarre, assez inopportune, d’appartenances imparfaites » XX ) dont le destin se fixe dès les années 1950 dans une commune symptomatiquement dénommée Malaise, à cheval sur la future frontière linguistique. Sur cette identité « en creux » vient se greffer une blessure plus profonde, née du lien qui unit Jean Muno, de son vrai nom Robert Burniaux, à ses parents, Constant Burniaux et Jeanne Taillieu, tous deux instituteurs et écrivains. Une relation envahissante, entre rejet et ressemblance (père et fils siégeront, notamment, au sein de l’Académie royale de langue et de littérature française de Belgique), autour de laquelle se sont échafaudés la plupart de ses écrits. Si ceux-ci échappent au tragique, c’est parce que Muno s’est très vite emparé de deux armes de distanciation essentielles : l’humour et le fantastique. Le fantastique est avec l’humour une dimension constante, d’ailleurs très belge, de mon œuvre. Ce sont deux manières de prendre ses distances par rapport au réel sans rompre avec lui, sans cesser de l’appréhender. XX C’est en 1949 que, parallèlement à son travail d’enseignant, la carrière littéraire de Jean Muno démarre. Il écrit alors une pièce radiophonique intitulée Un petit homme seul, dont les archives, hélas, ne gardent pas trace. Qu’à cela ne tienne, on retrouvera ce personnage, sorte de double littéraire, de manière récurrente dans toute son œuvre, aussi bien dans les romans écrits à partir de 1955, que dans les nombreuses nouvelles qui paraissent en revues (dans Marginales et dans Audace, pour ne citer qu’elles). Le fonds, riche en manuscrits, propose au chercheur différentes versions des romans comme L’homme qui s’efface (1963), L’île des pas perdus (1967), Le Joker (1972) et Ripple-marks (1976), ainsi que des manuscrits de nouvelles plusieurs fois retravaillés pour les recueils La Brèche (1973), Histoires singulières (Prix Rossel 1979, rééd. 2015), Contes naïfs (1980) et Entre les lignes (1983, avec les étonnants dessins de Royer). Le fonds compte également quelques inédits ainsi que les manuscrits d’exploitations radiophoniques, théâtrales ou cinématographiques de certains textes. Ainsi, l’exemple de Comptine en 1966, tiré de la nouvelle Fumées sans feu et qui obtint le Grand Prix international de la fiction radiophonique Paul Gilson. À côté des manuscrits, le fonds présente aussi de nombreuses notes de travail ainsi qu’un fragment de journal (pour la période du 31 août 1952 au 7 avril 1957). Ils constituent une source précieuse pour le chercheur puisqu’ils plongent aux sources de la création et illustrent les conflits intérieurs, voire les révoltes de l’écrivain. Des documents à mettre en parallèle avec Rages et ratures, les pages inédites d’un journal de 1975 à 1986, dont un dossier retrace les étapes de l’édition posthume aux Éperonniers, en 1998. Des « dossiers d’édition » existent également pour certaines œuvres. C’est le cas pour le roman Histoire exécrable d’un héros brabançon qui, à défaut de manuscrits, reprend les maquettes de la couverture des éditions Jacques Antoine, avec les illustrations drolatiques de Jacques Faton en 1982. Caméléon, l’adaptation scénique de Patrick Bonté d’après plusieurs romans de Muno, est un cas similaire : pas de manuscrits, mais un dossier fort complet de la tournée du Théâtre de l’Esprit frappeur en Belgique, en Suisse et au Canada. L’œuvre fictionnelle ne doit pas faire oublier le Muno essayiste. S’il s’est souvent penché sur le statut de l’écrivain belge et, par extension, sur son propre statut – songeons, notamment, à ses interventions dans les Cahiers du Groupe du Roman –, la collaboration de Muno avec Robert Frickx a abouti à deux essais sur la littérature belge, l’un dans la collection Que sais-je ? en 1973 (rééd. 1980) et l’autre aux éditions québécoises Naaman en 1979. Quant aux lectures attentives du Muno critique, elles laissent entrevoir ses goûts littéraires et, notamment, sa grande estime pour les romans de Conrad Detrez. Un échantillon d’articles est bien entendu présent dans le fonds. Celui-ci se clôt par des dossiers de correspondances qui restituent, à travers des lettres d’auteurs amis comme Gaston Compère, Jacques Crickillon, Marcel Moreau ou Paul Willems... l’écho de la voix de Jean Muno. Mettons en exergue la volumineuse et désopilante correspondance de Jacques-Gérard Linze à Muno qui, avec plus d’une centaine de lettres – à compléter avec les lettres de Muno à Linze déjà présentes aux AML – nous content l’histoire d’une amitié savoureuse et indéfectible. Rappelons qu’une sélection de ces archives Muno est mise en valeur dans les locaux des Archives et Musée de la Littérature jusqu’en septembre 2015. Elle s’intitule « Jean Muno et l’ironie » XX : juste regard sur celui qui feignait de s’excuser : « Est-ce ma faute si le rire existe ? » XX Saskya Burens Muno (Jean), « Le blanc cassé », dans Le Groupe du Roman, cahier 1, 1967, p. 38. Muno (Jean), « J’habite Malaise, Belgique », dans Le Groupe du Roman, cahier 23, 1989, p. 141. Jean Muno cité dans Denis (Marie), « Le Vampirologue », dans Le Groupe du Roman, cahier 23, op. cit., p. 77. Titre inspiré par l’essai de Moreels (Isabelle), Jean Muno. La subversion souriante de l’ironie, Bruxelles, Bern, Berlin, Frankfurt am Main, New York, Oxford, Wien, pie-Peter Lang, 2015. Muno (Jean), Histoire exécrable d’un héros brabançon,…