Ces princes de la futilité

RÉSUMÉ

Préface de Georges-Henri DumontÀ propos du livre

Les communications et discours, rassemblés dans le présent volume, révèlent quelques-uns – pas tous – des domaines de prédilection de Georges Sion : le théâtre, la musique, la critique, la littérature.

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On dit que, comme les gens, les peuples heureux n'ont pas d'histoire parce qu'ils ne paraissent pas avoir d' histoires. C'est peut-être pour cela qu'une Europe dont le destin abonde en drames et en tragédies devait au contraire secréter, ou se créer une culture où les grands cris de l'âme humaine retentiraient longuement, où les mythes des vieilles mémoires collectives parleraient de l'homme aux prises avec ce qui l'écrase, où chaque peuple célébrerait plus de martyrs que de héros heureux.

Ainsi le sacrifice d'Iphigénie pour le vent dans les voiles, la protestation d'Électre devant le meurtre, ou l'horreur d'Œdipe devant lui-même ont-ils inauguré une fabuleuse série de plaintes, de prières ou de malédictions, dont la force créatrice a passé d'un âge à l'autre, d'une langue à l'autre et d'un art à l'autre. Ainsi entendons-nous toujours les Suppliantes ou les Troyennes, et depuis lors Roland ou Iseut, Faust ou Hamlet, Polyeucte ou Othello, Cléopâtre ou Bérénice, Egmont ou Marie Stuart, Thomas Becket ou Sygne de Coûfontaine, les clochards de Beckett ou le roi qui meurt chez Ionesco. Et tout autant Orphée que Gluck mène aux Champs-Élysées : les Dieux que Wagner mène au crépuscule; Boris que Moussorgski mène à la mort; Woyzeck qu'Alban Berg mène à la noyade. Ainsi disposons-nous d'innombrables poèmes, de milliers de romans, de tableaux ou de statues qui racontent tous que la vie est cruelle.

Cette Europe-là devait naturellement tenter d'inventer des consolations, des rires libérateurs et des occasions d'oublier quelquefois qu'elle s'était souvent faite dans les pleurs et le sang.

Parallèlement au chemin des douleurs, on peut remonter presque aussi loin sur le chemin des plaisirs : aux gaudrioles étincelantes d'Aristophane, qui inaugurent une longue série de satires, de farces et de gaieté. On y rencontre Pathelin ou Falstaff, Alceste ou Sganarelle, Arlequin ou Figaro, les bourgeois de Labiche et les cinglés de Courteline, les dandys d'Oscar Wilde ou les valseurs de Johann Strauss, Buster Keaton ou Jacques Tati. Tous les moyens que l'homme se donne, en dehors de la drogue, pour oublier ses problèmes ou ses drames, nous les retrouvons au fil du temps. Il leur arrive d'être subtils ou de devenir faciles, mais ils sont là, contrepoint ou contrechant libérateur de la dure voix de la souffrance.

Pourtant, derrière cette Europe double, évidente et souvent géniale, il est fascinant d'en distinguer peu à peu une autre. Elle dit aussi des choses essentielles, mais elle est la voix mesurée, la langue secrète et le sourire esquissé. Dans l'histoire des œuvres, on dégagerait aisément une lignée, ou plutôt une famille d'œuvres qui se signalent par la tendresse, la furtive inquiétude ou la discrète angoisse de créatures surprises dans le drame du jeu. Les personnages qui sont les membres de cette famille se séparent dans l'espace et le temps. Ils ne sont pas nécessairement influences, et pour certains, on est même assuré qu'ils s'ignorent. Simplement ils sont là, et l'on s'aperçoit alors que s'ils ne sont pas du même rang, ils sont marqués du même signe : le mystérieux attrait de ceux qui mettent un masque léger à leur âme lourde.

Voici les amoureux de Shakespeare qui savent que, malgré le titre d'une comédie, beaucoup de bruit n'est jamais fait pour rien, et ceux de Marivaux qui vivent toujours un grave et difficile amour. Voici la Fontaine parlant de Mme de La Sablière et Watteau qui embarque pour Cythère comme vers un bonheur tôt menacé. Voici Musset qui vit dans le plaisir en sachant qu'il vit dans l'irrémédiable, et Giraudoux qui restaure, avec des rires, la tragédie perdue. Voici Mozart de Schubert à chaque instant de leur génie, avec eux l'Autriche et Vienne où la joie est à la fois si vive et si trompeuse. Voici Tchékhov, avec ses créatures légères qui vont mourir ou vivre une longue mort. Et tant, tant d'autres. Futiles? Apparemment oui, mais si beaux et souvent si déchirants qu'on a envie de les prendre sur son cœur. Leurs créateurs sont les Princes de la Futilité.
Table des matières

Préface, par Georges-Henri Dumont

Ces princes de la futilité
Les Princes de la futilité
«Good night, sweet prince»
Le Prince de Ligne 1735-1985. L'Europe qui l'entourait
Byron, l'homme qui a fait rêver l'Europe
Une pensée pour Giraudoux

Théâtre
Shakespeare, ou l'homme qui n'a pas d'âge
Tennessee Williams un tramway nommé Départ
200 ans. Un bel âge pour Figaro marié
Théâtre et poésie ou Le dialogue des parallèles
Le théâtre et la critique
La création de La Matrone d'Ephèse : une aventure difficile
Robert Garnier ou les oubliés de la Renaissance
Maeterlinck : le chant de la source et la source du chant
Le théâtre de Paul Claudel

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L'avenir du passé

À PROPOS DE L'AUTEUR
Georges Sion

Auteur de Ces princes de la futilité

Né à Binche, le 7 décembre 1913, Georges Sion est en réalité Ardennais, originaire de Rochefort où, enfant, il passera toutes ses vacances. Des raisons professionnelles ont amené son père à résider à Binche puis à gagner Charleroi où la famille s'installe et où Georges. Nouvelle étape : Bruxelles. Humanités au Collège Saint-Michel; études de droit à Saint-Louis puis à l'Université de Louvain. Parution de ses premiers articles dans La Parole universitaire, revue fondée par Gérald Bertot (le futur Thomas Owen). Docteur en droit (1936), dégagé du service militaire, Georges Sion entre à La Revue belge que dirige Pierre Goemaere. Il y succède, en tant que secrétaire de rédaction, à Marcel Lobet qu'il remplacera plus tard à La Nation belge puis au journal Le Soir (cf. Choix de textes, p. 20-22).Mai 1940 : La Revue belge cesse de paraître. Durant toute la guerre, Georges Sion suspend lui aussi ses activités de journaliste. Il les reprend en 1945 et les poursuit jusqu'à aujourd'hui : critique littéraire et théâtrale; chroniques, reportages; critique musicale et chorégraphique, car il est passionné de musique et d'opéra. Secrétaire de rédaction de La Revue générale belge en 1946, collaborateur occasionnel ou régulier de divers périodiques et de quotidiens comme La Libre Belgique (chroniques de ses voyages au Congo), La Nation belge (un «rez-de-chaussée» littéraire et «un livre par jour»), Le Soir où il entre en 1970. Actuellement, il y publie régulièrement «Le Carnet de Georges Sion», de même qu'il tient une double chronique dans La Revue générale dont il est codirecteur.Mais revenons-en aux années 40. Georges Sion travaille aux éditions Goemaere. Et il écrit. Le 17 mars 1943, une troupe que dirige le jeune Claude Etienne joue pour la première fois : elle crée, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, la première pièce de Georges Sion, La matrone d'Ephèse, une comédie conçue «comme du rire sous du soleil» (40 années du Rideau de Bruxelles, Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, 17 mars 1983, p. 22. ) et qui emprunte son sujet à Jean de La Fontaine, lequel l'avait trouvé chez Pétrone. (...)C'est le Rideau de Bruxelles qui crée presque toutes les pièces de Georges Sion : Charles le Téméraire en mars 1944; Cher Gonzague! en janvier 1947; Le voyageur de Forceloup en avril 1951; La malle de Pamela en octobre 1955; Marie de Nivelles, mystère représenté dans la collégiale de Nivelles, en juin 1963. De plus, le Rideau interprète plusieurs pièces étrangères dans l'adaptation française de Sion, notamment Antoine et Cléopâtre de Shakespeare. Deux pièces de Georges Sion sont créées par d'autres théâtres : La princesse de Chine par le Théâtre National, en janvier 1951, et Cléopâtre ou l'ultime amour par le Théâtre de l'Esprit frappeur, en mai 1982 (en même temps que trois autres pièces sur le thème de Cléopâtre).En outre, Sion écrit en collaboration avec Henry Soumagne L'arbre de la liberté, un spectacle où l'on rencontrait les 600 Franchimontois ou Joseph II chez le prince de Ligne, Charles-Quint prenant congé de Bruxelles ou le bal de Waterloo (préface de Georges Sion in Henry Soumagne, L'autre Messie. Madame Marie, Académie royale de Langue et de Littérature françaises, collection Poésie Théâtre, Bruxelles, 1990, page 11. ) : pièce demandée par le Théâtre du Parc pour saluer la Libération et créée le 10 avril 1945.Journaliste, auteur dramatique, Georges Sion publie également des essais. En 1944, paraît chez Casterman Le théâtre français d'entre-deux-guerres, un volume d'une centaine de pages où les dramaturges sont classés par «familles» : théâtre d'amour, de satire, d'histoire, de foi... La conversation française, dans la collection «Bien écrire et bien parler» des éditions Baude. (...)Autre aspect de l'essayiste : des ouvrages qui tiennent de la chronique et du reportage, des portraits de villes et de pays. Devenu grand voyageur S par hasard, dit-il S toujours prêt à partir et aimant rentrer, Georges Sion est allé au Québec, aux États-Unis, au Mexique, en Amérique du Sud, au Proche-Orient, en Asie Centrale, au Maghreb, en Afrique noire. Il a participé à quantité de congrès S du PEN Club international, de l'Institut international du Théâtre... Il a parcouru l'Europe, a connu la Vienne du Troisième homme comme il a visité le Congo colonial. C'est d'ailleurs là qu'a débuté son expérience de voyageur. En 1949, le Rideau de Bruxelles est invité au Congo : la troupe, pas les auteurs. Georges Sion décide d'accompagner à ses frais. Il se rend à La Libre Belgique (le directeur est Paul Jourdain) pour y proposer des chroniques. L'accord est donné. Sion fera en tout trois voyages au Congo. Les chroniques seront plus tard rassemblées en volume sous le titre de Voyages aux 4 coins du Congo (éditions Goemaere). Puisque chacun a son Amérique (même éditeur), conçu dans un esprit similaire de découverte et de contact, fait le portrait d'une Amérique «brillante, prospère, vulnérable», celle surtout du théâtre, de la télévision et de l'édition.Écrire des livres et des articles, faire jouer ses pièces, donner des conférences en Belgique et dans le monde : là ne s'arrêtent pas les moyens de communiquer qu'utilise Georges Sion. Il exerce également, et pendant près de trente ans, le métier de professeur. Il enseigne l'histoire du théâtre au Conservatoire royal de Mons (de 1951 à 1965), à l'Institut des Arts de Diffusion (de 1959 à 1969) et au Conservatoire royal de Bruxelles (de 1966 à 1978). (...)En 1962, Georges Sion est élu à l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises (au fauteuil de Luc Hommel). Il succède à Marcel Thiry comme secrétaire perpétuel de l'Académie à partir de 1972 et le reste jusqu'en 1988 (ce poste est alors confié à Jean Tordeur). En 1975, Georges Sion est élu à l'Académie Goncourt. Il devient président du PEN Club francophone de Belgique en 1985, à la mort de Carlos de Radzitzky. Le Roi lui confère le titre de baron en 1989.On trouvera une chronologie précise et détaillée de la vie de Georges Sion dans le volume de son Théâtre, paru chez Duculot en 1989.

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