L’horizon n’est à personne. Il recule. Ne cesse. Et des ciels beaux d’opéra, lambeaux, tomberont, tragiques, sur une espérance inimaginable. Il a fallu du temps à Anne Herbauts pour parvenir à parler d’un sujet qui s’imposait à elle, mais qui, par sa gravité, ne pouvait ni être pris à la légère, ni être traité de façon conventionnelle : les migrants, le déracinement imposé. On en parle à toute les sauces, les médias mettent sur le sujet des mots qui déshumanisent, qui enferment. Comment parler des migrations humaines au sens large, en se soustrayant à l’emprise de l’actualité ?Pendant trois ans, l’autrice a glané des éléments qui faisaient sens. Mots, images, signes, photos ont commencé à créer une nouvelle résonnance entre eux. Leur juxtaposition…
« En retard, je vais être en retard ! », s’exclame le lapin blanc du roman de Lewis Carroll. Anne Herbauts, qui a autrefois illustré Alice aux pays des merveilles (dans une très belle édition publiée en 2002 chez Casterman), en met un extrait en exergue de cet album sans texte.Elle a eu juste le temps d’entendre le Lapin dire, en tournant un coin : « Par mes oreilles et mes moustaches, comme il se fait tard ! »L’hommage étant posé, l’autrice-illustratrice peut s’affranchir de l’univers carrollien et jouer avec son personnage. Enfin, presque le même personnage, puisque dans En coup de vent, il s’agit d’un lapin noir, et non pas blanc. S’agit-il de son négatif, ou de son ombre ? Toujours est-il que ce lapin semble également très pressé et court après…
Ni l’un ni l’autre, le dernier album d’Anne Herbauts est joyeux, entrainant, et une vraie déclaration d’indépendance des jeunes enfants auxquels il s’adresse. Eux qui sont souvent comparés à papa ou maman (dont ils auraient les oreilles, le nez ou le caractère), définis par ceux-ci, étiquetés malgré eux, se développent pourtant en tant qu’individus dotés d’une personnalité qui n’appartient et ne ressemble qu’à eux. Et c’est ce que nous rappelle cet album tout en couleurs.Un enfant se raconte, au fil d’une journée dont on suit les étapes : s’habiller, manger son petit déjeuner, jouer, ranger, courir partout, se promener, et enfin rentrer pour déguster un cornet de glace. Tout au long de ces moments, l’enfant, dont on n’aperçoit jamais les traits,…
aNNe HERBAUTS, Mamie Manga, Pastel, 2023, 80 p., 10 €, ISBN : 9782211331838Aya le tigre accompagne Mamie au supermarché. Entre la liste des achats (tous les rêves sont permis !), le caddie (faire la course dedans ou pas ?), les bonbons (en avoir ou pas ?), la rencontre avec la voisine (et son caniche blanc, Tofu), la traversée du passage piéton (attendre le feu vert ou pas ?), le goûter des mamies (et Mong, le chien de madame Moka) et les mots croisés dans le canapé (félin en cinq lettres ?), cela en fait, des aventures ! Mamie Manga, le nouveau livre d’aNNe herbauts, alterne entre deux types de narration. L’une, celle de la mamie, est classique : un texte écrit sur la page de gauche, une illustration sur celle de droite. L’autre, celle du tigre, reprend les codes…
Est-ce un livre ? Est-ce jeu ? Est-ce un concentré de poésie ? Oui, oui, et oui ! Miettes, moineau, ribouldingue, la dernière publication d’aNNe herbauts aux éditions Esperluète, est tout ça à la fois, mais est avant tout le prolongement d’une exposition-jeu conçue par l’autrice-illustratrice et son éditrice, Anne Leloup, à l’initiative du Service général des Lettres et du Livre de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui lui a décerné le Grand prix triennal en littérature de jeunesse 2021-2024. aNNe herbauts ne souhaitant pas d’exposition classique, du type rétrospective de son œuvre, elle a préféré inviter les visiteurs, principalement des enfants, à jouer avec ses livres. Ainsi, un jeu de l’oie géant, tout en bois et en forme de gros chat, trône sur le…